lundi 14 septembre 2009

Mourir pour la France? plutôt crever!

Je suis tombé sur ce montage de French Carcan : http://frenchcarcan.com/2009/09/11/mourrir-pour-la-france/. Il est intéressant parce qu’il démontre deux choses très contradictoires :

1° Que lorsqu’il s’agit de parler de la France, de l’Histoire de France*, et du concept de Nation on invite que des gens qui n’ont aucune affinités avec cela et qui donc n’y connaissent rien.
Ils sont incapables de démêler ce qui les rattache à ce pays, en quoi cette collectivité est utile, comment définir son action individuelle au sein de cet ensemble (mourir ou ne pas mourir pour la France ?).

2° Ceux-ci sont pétris des conceptions de l’Etat typique du nationalisme de la fin du XIXème. Bien entendu Ernest Renan ne les aurait pas trouvé très bons élèves, mais il n’aurait pas été complètement choqué par cette incapacité mentale à faire la différence entre nation, état, pays et peuple. Le plus fascinant est le fait d’attribuer à la France les œuvres de l’Etat légal, pour dire « cette France là, je n’aurai pas combattu pour elle ».


Je pense en fait que cette émission a été mal préparée. Elle aurait dû être conçu par Max Gallo, pour révéler l’étendu de la mort du patriotisme. Il aurait fallu expliquer la différence entre patriotisme –amour de son pays– et nationalisme –une doctrine politique fondant l’action de l’Etat sur la défense de l’intérêt, de l’existence, de l’unité et de l’indépendance nationale-. Et enfin il aurait fallu vérifier que l’incapacité des invités à mourir pour la France ne venait pas de leur « cosmopolitisme » mais de leur individualisme. C’est l’erreur classique du débutant en dissertation ; ne pas assez définir les termes du sujet avant d’interroger les invités. « Mourir pour la France » : « Mourir » dans ce contexte cela signifie « se sacrifier », « la France » ne fait que référence au pays des invités, on ne cite la France seulement parce que tout le monde est français sur le plateau (personne ne remarque cela d’ailleurs), et le « pour » n’est intéressant à relever que pour l’ouverture en fin de copie : « Mais alors pour quoi ? ».
Ainsi il aurait été judicieux de les interroger sur les causes pour lesquels ils accepteraient de mourir. Pas de faire un concert, une manif ou un sit-in, ni même de risquer leur vie, non ! Nous parlons bien ici de risquer sa vie, voire de l’offrir avec la certitude qu’on vous la prendra.
Je ne connais pas personnellement ces personnes, et l’âme humaine ne se révèle vraiment que dans l’adversité, mais je vois mal Beigbeder ou Bensalah se sacrifier, même pour 25 francs** !


*Ainsi un invité explique qu’il n’aime pas la France quand elle massacre les communards ou quand elle collabore à Vichy. Personne ne lui a fait remarquer que c’est aussi la France qui fait la Commune ni qu’elle résiste à Londres. Il n’y eu personne non plus pour lui expliquer la complexité de ces situations où la contrainte extérieure joue un rôle (les allemands en 71 comme en 40-44) et où il n’y a pas vraiment de gentils communards contre de méchants Versaillais.
**Je fais référence à Jean-Baptiste Baudin, mort en 1851 en s’opposant au coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, que certains ouvriers accusaient de n’entretenir la révolte que pour garder son indemnité de parlementaire, il se serait écrié avant de s’élancer sur une barricade et de mourir : « Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs ».
C’est l’une des seule mort « républicaine » qui ait du style que je connaisse, mais Baudin est mort un drapeau à la main cela aurait probablement gêné nos amis publicitaires et cinéastes.

6 commentaires:

  1. Exercice : Vous devez trouver les plus belles morts républicaines....

    Je dois dire que l'exercice est périlleux.

    Je me demande si un jour, des modernes ne vont pas proposer de remplacer "morts pour la France" par "mort pour la République" ou la Liberté ou (plus surement) "pour les Droits de l'Homme" (cf nos soldats - 3ième RIMA de Vannes en particulier - en Droitdelommenistant).

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  2. Effectivement, la confusion est fréquente en France entre nation et État. Les Français s'imaginent que l'Italie et l'Allemagne n'existent que depuis 1861 et 1871 ! Alors que la première remonte à l'expansion romaine, et la seconde au partage de l'Empire carolingien entre les fils de Louis le Pieux, lors du traité de Verdun (843). C'est pourquoi, bien qu'étant patriote, je suis de plus en plus anti-État, car je sens bien que, pour reprendre l'expression de Jean Raspail, « la Patrie [a été] trahie par la République ». La nation, oui, l'État-nation, non, car il la tue.

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  3. "Mort pour la liberté" ça a encore un peu de gueule, en revanche "mort pour le parlementarisme", "mort pour la cinquième république", "mort pour la république parlementaire dualiste" je suis moins convaincu.

    3ième RIMA est un régiment coloniale il devrait donc apprécier "un mort pour l'Empire" ou "mort pour la civilisation".

    Pour le concours que vous proposez, je dois dire que pour la défense de la République, elle a moins eu le temps de faire mourir des gens que la monarchie et que les "morts célèbres" sont finalement assez rares.

    Il serait interressant, un jour, de se demander pourquoi il y aura toujours quelqu'un pour mourir pour la France alors que personne ne crèvera jamais pour la République.

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  4. @ Criticus: Pour l'Italie et l'Allemagne cela se discute, cela dépend de la conception de nation que vous avez. Ainsi de Gaulle ou même les débattants de la vidéo de French Carcan ont une vision assez similaire d'une nation: très personnalisée. Ils ne la réduisent pas à une identité commune ou à une culture, pour eux c'est un acteur de l'Histoire.
    En ce sens l'Allemagne peut prétendre avoir exister sous forme de Prusse, d'Autriche ou de St Empire Romain Germanique, mais il serait abusif de transmettre ce qu'on fait Venise, Gènes, Florence ou Rome à l'Italie.

    Pur ce qui est de l'Etat, je suis d'accord pour la trahison, mais on a besoin d'un état, même un libéral pure et dur le conçoit. L'Etat est un moindre mal, il me semble tout de même bien placé pour défendre la nation, surtout en démocratie, mais sommes nous encore en démocratie?

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  5. Je ne remets aucunement en cause l'existence de l'État, mais son poids largement excessif en France.

    Dans un pays où l'État contrôle plus de la moitié de l'économie, ce n'est pas être pour la disparition totale de l'État que de vouloir sa réduction à ses prérogatives régaliennes (police, armée, justice, diplomatie, financement de l'éducation, mais sans la prestation, qui elle peut être privée). Par ailleurs, je ne pense pas que l'État soit le mieux placé pour incarner la nation. La nation, c'est nous. L'État est là pour défendre la nation. Mais il n'est pas la nation. Et quand je vois ce que sont nombre de fonctionnaires (je viens de ce milieu), je me dis qu'il faut vite les dissocier...

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  6. Vous préchez à un converti...
    Dans ma famille on n'a pas le droit d'être fonctionnaire d'ailleurs, c'est un peu comme les nobles qui n'avaient pas le droit d'investir dans l'industrie.

    De toute façon et comme j'essayais de l'expliquer dans l'article, je pense que l'un des problèmes de la nation aujourd'hui c'est qu'on ne distingue pas assez le patriotisme du nationalisme et qu'on confond le nationalisme qui est une doctrine sur le fondement et les buts de l'Etat avec la xénophobie qui est un comportement vis à vis des étrangers ou avec l'impérialisme/expensionnisme qui sont de simples politiques qui sont d'ailleurs rarement menées par des états nations (hors colonisation).

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